J’ai un ami qui s’est tué il y a quelques années, il est tombé avec son parapente, alors qu’il volait au-dessus du Cap, en Afrique du sud.
Il fut enterré à Berlin, dans le cimetière qui longe la Bergmannstraße. Lors de l’enterrement, j’entendis quelqu’un dire qu’ici “il était bien” qu’il “était au calme” et qui ajouta, en regardant vers le ciel, qu’il avait une belle vue.
Par réflexe je levais la tête et voyais le ciel, partiellement encadré par le mur du cimetière, un Brandmauer et une arrière-court. Image typique de Kreuzberg.
Je pensais alors que ces idées, devaient faciliter le deuil, il était encore avec nous puisqu’il était bien, au calme avec une belle vue. Il avait demandé à être enterré sans Schickimicki, pas de pierre tombale, pas de croix, juste des fleurs plantées dans la terre.
Quand je passe à côté, je fais un détour pour “le voir”. Il me manque toujours.
L’autre jour, je me suis accroupi à côté de la tombe, et j’ai levé la tête. Je comprenais subitement qu’il n’avait jamais pu avoir une belle vue, car il avait été incinéré, et qu’une grosse partie de ses cendres avaient été dispersées par un ami parapentiste au-dessus de montagnes du sud de l’Autriche où il aimait voler.
C’est cette idée qui prit le dessus, plutôt que l’évidente réalité, qu’étant décédé, il n’avait de toute façon jamais pu voir, ni sentir quoique ce soit. Et il me semble encore plus mort maintenant.